L'arrivée de Laubain Sforza en Avignon

Laubain approcha d'Avignon en milieu de journée. Il leva les yeux et admira la cité. Bien qu'observant la beauté d'Avignon, l'homme savoura bien davantage l'idée d'un bon lit et d'un bon repas. Il était fourbu... Ses bonnes bottes, un cheval ou le pont reposant d'un navire lui manquaient. A la place, afin d'être présentable malgré sa très maigre fortune, il avait du se contenter de sandales paysannes et d'une robe de toile qui lui donnait l'aspect d'un moine dépenaillé...
Au moins sa barbe avait-elle regagné la taille qu'il affectionnait et, quitte à se vêtir de peu, il avait au moins la satisfaction de la bonne mise de son visage. Quand bien même, il caresserait le jour où il pourrait retrouver une tenue véritablement décente...

Il continua sa marche jusqu'à l'entrée de la cité. Les gardes lui barrèrent la route et lui demandèrent son identité et la raison de sa visite. Formalité à laquelle il se soumit bien volontiers. Il se souvenait de l'une de ses mésaventures à l'entrée de Venise... La Sérénissime République était probablement bien l'endroit le plus soupçonneux envers l'étranger sur cette Terre... Il préférait ne point risquer de se voir refuser l'entrée. Il eut été dommage que ce projet d'Histoire du Marquisat fut étouffé dans l'oeuf pour une si piètre raison...

- Laubain Sforza, sans titres ni terres mais également sans armes qui puisse menacer la paix de votre bonne ville. Je suis ici pour quémander une audience auprès de Sa très excellente Majesté Hersende de Brotel et lui offrir mes humbles service d'homme lettrés sur un sujet concernant l'ensemble du Marquisat.
Par ailleurs, si quelque référence vous est nécessaire, Messire Ester Von Gobseck m'a offert son hospitalité si mon chemin m'amenait en cette ville. Il attestera très certainement ma bonne foi si vous me laissez lui faire parvenir une missive.

Laubain patienta dignement pendant que l'on allait quérir Von Gobseck. Il ne tenta guère de tailler une bavette avec le garde. A son amabilité, c'était peine perdue.
Assis sur le rebord du pont, il se redressa en voyant le vieil homme arriver. Il fut légèrement surpris qu'à son âge, il se déplace lui-même pour accueillir un étranger. Il sentit une vague de sympathie à l'encontre du vaillant vieillard. Il ne badinait pas avec son invitation.
Il lui fit un large sourire et s'inclina avec respect, quoique de manière théatrale, une vieille habitude prise à Rome.

- Bonjour messire Gobseck. C'est une joie de vous revoir. Non, je puis vous épargner ce désagrément. Je suis contraint de voyager léger suite à mes mésaventures...

Il espérait que la question sur la marquise n'était point un piège mais il en doutait fortement.

- Certes. Au sujet d'un projet original que l'on pourrait qualifier d'envergure. Une audience est-elle envisageable, messire?

Laubain fut un peu surpris de l'arrivée soudaine du secrétaire. Il était étrange qu'un homme au service de la plus grande Dame du Marquisat se déplace sur simple demande d'un visiteur. Enfin, l'office différait peut-être. Et il se pouvait tout autant que sa connaissance de Von Gobseck le rendait susceptible d'intérêt. Il espérait que c'était de façon positive... Après ce qui lui était arrivé à Rome, il ne supporterait guère de se retrouver jeté dans une quelconque sordide intrigue politique sans qu'il n'y ait mis la moindre intention ou adhésion.

- Je vous suis, messire.

Il se tourna vers l'intendant, affreusement gêné que la convocation éclaire ne le force à avoir fait se déplacer le pauvre vieil homme pour rien. Il lui adressa un regard contrit.

- Messire Von Gobseck, je vous remercie infiniment pour votre hâte et courtoisie et vous rejoindrai avec la même hâte dés que je le pourrai. Nous nous reverrons donc, je l'espère, ce tantôt.

Il le salua avec toute la déférence due au vieil homme et suivit Yvain.