Plus d'un mois avait passé depuis la dernière visite de l'étendard des Brocéliande en Provence. La première fois, il n'avait s'agit que d'une poignée d'émissaires portant une missive. Cette fois-ci, c'était l'objet de la lettre qui passait la frontière, une jeune femme confortablement installée dans un carosse flambant neuf.
Alors que le château d'Avignon était en vue sur la colline voisine, l'attelage s'arrêta. Un cavalier qui le suivait de près guida sa monture jusqu'à la petite porte de coté et dit d'une voix forte sans soulever les rideaux qui masquaient l'intérieur :
_ "Nous arrivons, Madame. Dans la moitié d'une heure nous serons au pied des murailles. Vous devriez réveiller le Petit Monsieur pour qu'il regarde le paysage. Nulle part ailleurs l'astre du jour n'est si brillant qu'icelieu."
Les chevaux s'ébrouèrent et le cocher leur ordonna d'un claquement sec de reprendre leur route. A l'intérieur de la cabine, une voix douce murmura :
_ "Mon bel ange, éveille-toi tout à fait. Nous sommes dans le pays que tu tenais absolument à visiter. Vois comme il est différent du nôtre. Aristote, en sa grande bonté, à donner à chacune des terres son lot de merveilles à arborer."
Les rideaux s'ouvrirent brusquement, laissant apparaître le visage angélique d'un petit garçon blond. Il fixa ses yeux émerveillés sur le paysage qu'il traversait sans effort.
_ "Regardez comme tout est doré, Maman !"
Sa mère se pencha vers lui pour le prendre dans ses bras en souriant.
Alors par la fenêtre apparut une jeune femme aux belles boucles blondes et aux yeux d'émeraude. Son teint était d'une pâleure presque spectrale, réhaussé un peu par le rose tendre de ses lèvres.
_ "Je vois mon chéri. Tout est très beau icelieu. J'ai hâte de fouler ce sol pour la deuxième fois. Il te faudra être attentif. Il y a nombre de choses de la nature à apprendre ici. La végétal, plus rare il est vrai qu'en Bretagne, est toutefois bien plus odorantes. Mais, je ne te livre pas tout. Contente-toi de regarder pour le moment."
Le petit garçon mit ses petits mains de celles de sa mère.
_ "Où prendra-t-on les repas et où dormira-t-on ?"
_ "Sa Majesté Lordfear, le Marquis des Alpes Occidentales, nous a convié grâcieusement à loger au château. Il s'agit d'un honneur rare duquel il faudra nous montrer reconnaissant. Ici, le Marquis autant d'importance que Dame Evenice chez nous. Il faudra bien évidemment le vouvoyer et te conduire avec distinction."
Le petit garçon parut embêté :
_ "Mais je ne vouvoie pas la Dame Evenice, Maman."
_ "Oui mon chéri, mais c'est parce nous sommes de la même famille en quelque sorte. En temps normal, il faudrait le faire. Tu as bien vu que les autres bretons la vouvoyaient."
_ "Oui."
La jeune femme embrassa son fils sur la joue.
_ "Je suis sûre que tu sera très sage, n'est-ce pas ?"
_ "Oui Maman."
Les deux nobles bretons passèrent entre une vingtaine de minutes à observer le paysage, en silence. Peu avant les abords de la ville, un cavalier referma les rideaux en passant, prétextant que la poussière de la route soulevée par les chevaux de l'attelage allait finir par les rendre malades.
Quand le véhicule s'immobilisa une nouvelle fois, à l'intérieur des murailles d'Avignon, la bannière sur son toit amusa beaucoup de monde. Quelle famille avait bien pu mettre une grenouille sur son blason. Quelle drôle d'idée vraiment !
Un valet se précipita pour ouvrir la porte et tendit une main vers l'intérieur du carosse. Une autre main, bien plus blanche et fine, se posa sur elle. Au moment où la jeune femme descendaient l'unique marche, un héraut annonçait à la cantonnade :
_ "En provenance du Grand-Duché de Bretagne, la Baronne d'Anast et de Concoret, Driweg Aliéniore de Brocéliande et son fils Riwan Nathan de Brocéliande."
La femme fit mine d'épousseter sa belle robe verte cousue de fils d'or. Son fils la rejoignit et ils montèrent cote à cote les quelques marches du château.