Cérémonie d'anoblissement de Mielle

Je suis invitée. J'ai été invitée.
Elle avait répété ces deux phrases dans sa tête tout le long du trajet jusqu'au Château d'Avignon. D'abord pour se convaincre qu'elle ne risquait rien en pénétrant dans ce lieu inconnu jusqu'alors, puis pour se rappeler que quelqu'un l'avait officiellement invité, elle, la petite paysanne tavernière d'Aix, mais aussi, la nièce de la douce Mielle.

Évidemment, elle avait dû demander son chemin à de nombreuses reprises. C'est bien vaste un château, en comparaison à la petite taverne d'Aix. Elle avait été guidée jusqu'à la salle où aurait lieu une cérémonie en l'honneur de sa tante. Elle ignorait quoi et pourquoi, elle ne savait pas même si elle avait vraiment envie d'être là, parce que toutes ces personnes importantes... Enfin, l'important, c'était d'être là pour sa tante.

Elle s'avança dans la salle et fut heureuse de voir Joel, ainsi que Hersende. Elle s'avança vers eux, soulagée, les saluant joyeusement.

- Bonjour Joel! Il y a bien longtemps que nous nous sommes rencontrés! Bonjour Hersende! Comment allez-vous aujourd'hui?

La jeune Estaloth, toute en spontanéité, était apparue.Cela faisait peu de temps qu'Hersende avait fait la connaissance de la nièce de Mielle, mais la jeune fille avait quelque chose en commun avec sa tante : l'amour de son prochain, vertu très aristotélicienne.

Hersende, en vieille habituée de la politique, quelque peu désabusée sur la nature humaine, lui enviait cette fraîcheur. Peut-être retrouvait-elle en elle des sentiments qu'elle avait connus avant son entrée en politique. Ce n'était pas qu'elle eût depuis perdu la foi dans ce pour quoi elle se battait depuis des années, mais elle avait vu tant de choses sordides...

Bonjour Estaloth! Entrez, entrez, n'hésitez pas. Vous êtes ici dans la salle de cérémonie du palais d'Avignon, siège du Marquisat de Provence. Comme vous le voyez, Mielle n'est pas encore arrivée, et le héraut qui doit officier non plus.

Comme elle savait la jeune fille novice dans ce domaine, elle prit le temps de lui expliquer :

Aujourd'hui Mielle et moi allons passer un pacte en raison d'une longue amitié et d'une confiance réciproque. Ce que vous voyez là, dit-elle en lui montrant la table où les objets rituels étaient disposés, ce sont les éléments nécessaires à la cérémonie. Vous voyez le Livre des Vertus, car il y a un serment et un coussin avec une couronne que je vais tout à l'heure déposer sur la tête de votre tante. Il y a aussi cela, poursuivit-elle en désignant une forme couverte d'une étoffe. Ce sont les futures armes de Mielle, un écu sur lequel ont été peintes à la fois les armoiries de sa seigneurie actuelle, Bar sur Loup, et celles du fief qu'elle va recevoir, Bédoin.

Estaloth s'avança doucement vers la dite-table et observa ce qu'il s'y trouvait. Elle s'avisa bien sûr de toucher quoi que ce soit. La curiosité est bonne seulement si on se rappelle qu'il y a des limites à ne pas franchir.

- Donc, cette couronne, est pour Mielle? Pourquoi une couronne? Les armes, je comprend, elles peuvent être utiles. Les armoiries sont nécessaires pour s'identifier. Mais, la couronne? Savez, pour moi, toutes les couronnes se ressemblent.

La jeune fille continua d'observer la table, le livre, les outils. Elle comprenait maintenant qu'elle avait bien fait de résister à sa curiosité. Lever l'étoffe aurait gâché la surprise. Elle se retourna et vit une étrange expression sur le visage d'Hersende. Elle attendit, sans bouger.

Elle écouta les explications d'Hersende en essayant de tout bien comprendre.

- Donc, vous allez donner une parcelle de terre à Mielle... En échange de rien? Simplement pour améliorer les liens qui vous unissent?

Elle essaya ensuite de reformuler la phrase dans sa tête.

- En fait, c'est comme si vous aviez un champ trop grand pour que vous puissiez le travailler seule, et que vous invitiez une cousine à s'établir sur vos terres pour qu'elle vous aide à le cultiver?

Elle avait déjà oublié les couronnes. Il semblait que ce n'était qu'une histoire de noblesse, donc, sans importance pour elle.

Fidélité...
Elle n'aimait pas ce mot, le craignait. Elle savait ce que cela pouvait signifier. Estaloth était fidèle à elle-même bien sûr. Pas un mouton, ça non. Et elle avait confiance en Mielle, frôlant la fidélité oui. Mais pas au point d'en faire le serment. Mais, ceci ne la concernait pas. Ce serait une cérémonie en l'honneur de Mielle et sa tante en connaissait bien plus qu'elle sur ce monde qui les entourait. Plus tard, elle lui poserait ses questions.

- Merci beaucoup pour vos éclaircissements. Je ne voulais pas non plus vous insulter en parlant de terre à cultiver. C'est, simplement, plus facile pour moi à comprendre ainsi. Si j'ai d'autres questions sur ce sujet, je les poserai à ma tante.

Puis elle sourit.

- Cette cérémonie, les gestes qui seront posés, les paroles qui seront prononcées... Y a-t-il quelque chose que je dois savoir avant qu'elle ne commence? Je ne voudrais pas faire d'erreur, me montrer ridicule ou faire honte à qui que ce soit. Je ne voudrais pas gâcher cette cérémonie que ma tante doit espérer avec impatience. Il serai dommage que je jette une ombre sur sa journée.

La jeune fille sourit.

- Oui, je sais qu'elle le sera. Je suis aussi heureuse pour elle. Si vous voulez bien m'excuser, je vais m'asseoir en l'attendant.

Elle fit ce qu'elle avait dit.

- J'espère aussi! Je suis impatiente de la voir!

Assise sur un banc, elle ne s'était aperçut de rien, perdue dans ses pensées, jusqu'à ce qu'elle remarque que Joel n'était plus près d'Hersende et qu'une autre personne était entrée. Elle se retourna pour regarder vers la porte, vit sa tante, et se leva pour l'accueillir, ravie.

- Ma douce tante. Vous êtes sublime!

Elle la regarda s'avancer, au bras de Joel.

Esta sourit lorsque sa tante lui offrit un câlin et elle la serra peut-être plus fortement qu'à l'habitude.
Elle se rassit et attendit que choses se passent.