Le grand nettoyage (suite)

Quelques coups frappés à la porte... la tête d'Yvain s'encadra dans l'espace entrouvert :

Votre Majesté, Monseigneur Richelieu est arrivé...

Déjà? répondit Hersende. Mais je n'ai encore rien préparé... Tant pis, je ne peux le faire attendre... Faites-le entrer immédiatement, Yvain, il me dira ce dont il a besoin.

Et l'archevêque de répondre après une réflexion de plusieurs minutes pendant laquelle la Marquise ne broncha pas. Elle devait tout de même se demander si Ludovi n'était pas mort d'une cris d'apoplexie.

Ma fille, le meurtre est prohibé vous le savez pertinemment. Pourquoi ? Parce que ce n’est pas à vous, humble pêcheuse ni a moi d’ailleurs mais au Très Haut de juger les âmes. Seul lui doit rappeler ses enfants, vous n’avez certainement pas droit de l’y forcer. Celui qui tue est un meurtrier tout simplement. Aucune raison ne justifie une exécution.

N’oubliez pas que « Que la mort soit subie, qu'elle soit donnée, c'est toujours une mort pour le Très-Haut »

Ne cédez donc pas à la facilité qui est vôtre de décider de la vie ou de la mort d’un tiers, car la facilité mène à l’envie et au désir de vengeance qui découle de la colère.

Ludovi marqua une pause.

Nonobstant, il est important dans un pêché en plus d’en connaître la nature est aussi de connaître sa cause, sa genèse. Outre vos rancœurs personnelles vous évoquez ce désir de Protection dont vous faites preuve. C’est pour protéger vos sujets que vous souhaitez intervenir, et si une mort est une mort pour le Très Haut, une vie est une vie, et elle est inestimable si elle est innocente. Permettons nous une comparaison, avec les chevaliers croisés. Un Chevalier croisé qui met à mort un malfaiteur, n'est pas un homicide, mais, si j'ose dire, un malicide. Il venge le Très-Haut de ceux qui font le mal ; il défend les aristotéliciens. C’est un peu votre cas, dans cette situation, vous tuez pour protéger. Attention cependant, vous n’êtes pas la Très Sainte Curie pour pouvoir décider sans vous tromper. Devez vous alors pour autant être indulgente ? Et bien je vous citerais Saint Arnvald, qui déclara par trois fois :

Il y a des indulgences qui sont un déni de justice.
Être exigeant est une règle de base. Être intègre est un principe. Veiller à faire régner la justice et la vérité est mon but.
Ma robe de magistrat m'oblige à l'impartialité. La culpabilité d'un ami appelle la sévérité car tel est mon devoir.

Il vous faut donc faire une chose ma fille. Discerner vos intérêts personnels de ceux de vos sujets. Votre fonction implique des décisions difficiles. Le Très Haut ne vous en voudra pas de protéger vos semblables, mais il vous en voudra de vous venger. La protection pourrait être une vertu, la vengeance un péché. Modérez vous ma fille, Tempérance est le maître mot !

Il marqua une seconde pause, afin de passer à la seconde partie.

Ma fille il n’est en effet pas Aristotélicien de se moquer. Mais les enfants que nous sommes ne sont pas parfaits. Nos pensées sont ce qu’elles sont, il est impossible de les contrôler. Lorsque nous voyons de beaux plats, ou de beaux corps, nos pensées peuvent être impures mais qu’importe. Ce ne sont pas nos pensées, mais nos choix et nos actes qui comptent aux yeux du Très Haut. La vertu n’est pas une vertu de penser, mais d’action. Nous sommes tentés par le Sans Nom chaque jour et nous n’en sommes moins Aristotéliciens que quand nous cédons à ses attaques. Je sais pertinemment que vous n’avez nargué personne, vous n’avez donc pas cédé à cette tentation là.

Il marqua une troisième et dernière pause.

Ma fille, le Très Haut vous as entendu, et constate que bien que la plupart de vos intentions soient pures, vous avez un désir de vengeance, un brin de colère qui vous anime, et vous devez vous en débarrasser. Je vous enjoins donc à non seulement vous contrôler mais vous imposer pénitence vous-même. Chaque fois que vous aurez une pensée personnelle, égoïste, il vous faudra contrer celle-ci en exécutant le strict inverse de ce que vous désirez. Vous investir pour les autres, de la façon de votre choix, comme par exemple donner un coup de main aux clercs du dispensaire d’Avignon que vous nous avez si généreusement pourvu. Bien entendu, vu votre rang, il vous sera permis de faire cela visage couvert.

Il poursuivit :

Répétez après moi :

Je confesse à Dieu Tout-puissant, à tous les Saints, et à vous aussi, mes Amis,
Parce que j'ai beaucoup péché, en pensée, en parole, en action.
Je supplie tous les Saints, et vous, mes Amis, de prier le Créateur pour moi.
Que le Très Haut nous accorde le pardon, l'absolution et la rémission de tous nos péchés.

Ma fille, avez vous bien cerné vos égarements ? Je tiens à ce que le Sans Nom se tienne éloigné de vous, alors nous devons chasser toute les zones d'ombres qui pourrait s'étendre sur vous. demanda l'archevêque avant de libérer sa Majestueuse ouaille.