Yvain revenait d'une course dans la ville basse, près du port. Exceptionnellement il n'avait pas envoyé un petit page porter la missive que la Marquise lui avait dictée, mais avait tenu à le faire lui-même, d'une part parce que c'était un message d'importance; et d'autre part parce qu'il voulait profiter des derniers beaux jours de l'été en Provence, ne sachant quand il y reviendrait.
Il l'avait décidé, il suivrait sa maîtresse dans son exil volontaire quoique qu'elle ne lui eût rien demandé. Il ne savait où ils iraient, mais depuis quatre ans qu'il travaillait pour elle, depuis le moment où elle avait repéré le jeune copiste à la CSMAO et l'avait pris à son service personnel, faisant de lui désormais dans le palais un personnage respecté et craint malgré son jeune âge, il vouait à Hersende une ferveur quasi religieuse. La quitter eût été inconcevable pour lui...
Alors qu'il s'approchait du poste de garde, avançant du pas vif de la jeunesse, il repéra une silhouette fort avenante et délicieusement moulée dans une combinaison de cuir rouge qui mettait tous ses appâts en valeur. Elle semblait en grande conversation avec le garde de faction dont le regard ne pouvait s'empêcher de s'attarder sur les formes exposées sous ses yeux.
Il saisit les derniers mots prononcés d'un ton pourtant fort autoritaire :
... auprès de la Marquise de Provence, , la bien aimée Hersende de Brotel, afin d'obtenir de sa grâce, l'autorisation pour mon père d'ouvrir une salle d'armes en Arles.
Il s'approcha aussitôt :
Ah ça damoiselle, si vous souhaitez rencontrer Sa Majesté, vous ne pouvez mieux tomber.
Et se lançant dans un profond salut, un peu ridicule par sa grandiloquence, il poursuivit avec fierté :
Yvain, secrétaire particulier de Sa majesté la Marquise de Provence.