Un déjeuner avignonnais....

La princesse bretonne entra la première dans la salle du banquet qui lui parut incroyablement grande comme elle se trouvait à peu près vide. Une table avait été joliment dressé presque en son centre et quelques valets s'affairaient déjà dans la précipitation.

_ Quelle splendeur ! Je n'avais pas encore eu le loisir de me trouver charmée par le soin qu'ont mis vos décorateurs à faire ces murs. Il y a tant de légèreté dans les coups de leurs pinceaux... Ils sont bien plus beaux que ce que les yeux humains peuvent apprécier, j'en suis certaine.

Sur ce compliment, Driweg prit place à un bout de la table.

Driweg fit mine de réfléchir à la question de la baronne.

_ Je dis souvent que je suis ignorante en matière de géographie, à l'exception bien évidemment - ayant occupé le poste de héraut de Bretagne depuis toujours - de ce qui se trouve à l'intérieur de mes... anciennes frontières. Ce fut vrai cette fois encore et c'est la raison pour laquelle, à ma grande honte, je ne saurai vous dire précisément quelles contrées j'ai traversé.

Afin de contenter tout de même la curiosité de ses hôtes, la poupée blonde entreprit de leur décrire l'endroit qu'elle avait préféré :

_ Il y a bien un endroit dont je pourrais intarissablement vous parler. Je dirais, sans vouloir être vague et pourtant, qu'il se situe à mi-parcours. Alors voilà, imaginez une rivière profonde pour y entrer jusqu'aux hanches d'un bleu qui n'existe nulle part ailleurs et dont le Bon Dieu seul peut être le créateur. Un sous-bois la borde avec douceur et les arbres centenaires les plus proches de la rive viennent y tremper leurs racines avec désordre. Pas de silence pour ce lieu onirique mais le joyeux sifflement d'oiseaux cachés dans les branchages. Lorsqu'on lève la tête pour tenter de les apercevoir, un spectacle de lumière inonde nos iris surprises. Les cimes lointaines des arbres immenses et agglutinés semblent balayer le ciel blanc tranquille. Les rayons du soleil sont perturbés par le brassement des feuilles...

La princesse, accaparée par le souvenir qu'elle voulait leur faire partager, sourit d'un air rêveur.

_ Le Poitou ? Hélas, je l'ignore. C'est décidé ! Lorsque nous sortirons de table je ferai appeler le capitaine Sheridan qui, en plus d'avoir été un brillant protecteur lors de ce voyage, connait le plus petit brin d'herbe que nous avons foulé. Lui saura dire avec exactitude où se trouve ce lieu enchanteur.

Driweg n'était pas hermétique aux sentiments divers qui gravitaient dans la pièce. Elle était ce qu'on pourrait appeler une hyper-sensible : le bonheur des autres la bercait et leurs malheurs la poignardaient. Elle ne pouvait pas manquer le malaise qui habitait le jeune Ludovi, devenu l'attention de sa tante et de la juriste, alors qu'il essayait tant bien que mal de cacher ses soucis. Consciente au plus haut des efforts surhumains qu'il fallait faire pour porter le masque du sourire quand l'esprit est en peine -pour avoir du le faire elle-même un nombre incalculable de fois- elle saisit la perche tendue par le Comte :

_ Mon fils se porte à merveille. Je n'ai jamais tant souffert de le laisser derrière moi que cette fois-ci. Je me console en me disant qu'il est à l'abri de tous besoins grâce à son grand-père et qu'il peut aller chercher l'amour maternelle, comme je le fis avant lui, auprès de la bonne Duchesse Evenice de Guérande.

Elle poussa un petit soupir et se pencha pour avouer un peu plus bas :

_ C'est étrange mais j'ai l'impression que cet éloignement va m'effacer de sa mémoire. Pourtant, je sais bien que ce n'est pas avec les yeux que nous aimons... Le paradoxe c'est que de mon coté je ne doute de rien. Je n'oublierai jamais ni à quel point ses cheveux sont dorés, ni l'éclat malin de ses yeux sombres, ni son délicat sourire de satisfaction lorsqu'il accomplit un défi qu'il s'était lui-même lancé...

Un petit silence flotta dans la pièce. Voulant à tout prix éviter à l'adorable Ludovi de redevenir l'objet de coups d'oeil inquiets, la princesse tourna son visage de poupée vers Hersende et demanda :

_ Avez-vous des enfants, Votre Honneur ?

Driweg abattit son autre main sur la nappe blanche. Comment ?! Alors on l'expatriait dans le sud pour une alliance entre la Provence et la Bretagne mais on faisait des ennuis à Dame Vero5 ?! C'était inadmissible ! La jeune maîtrisa la fureur qu'avait provoqué cette nouvelle et déclara d'une voix calme mais ferme :

_ Votre Honneur, je vous promets que je ferai mon possible pour aider votre compatriote à faire valoir ses droits et ses libertés dans mon pays. J'écrirai immédiatement après le déjeuner à mon père afin qu'il lui vienne en aide auprès des personnes qui l'ennuient. Cette faute sera réparée, je vous l'assure.




[HRP : Si vous m'envoyez un MP avec un peu plus d'éléments (noms, lieux, motifs) je m'en charge. ]

Driweg prit un air dépité.

_ Ce voyage était bel et bien le dernier. A vrai dire, j'ignore où je dois - ou peux - résider. Tout ce à quoi j'ai pensé c'est au contenu de mes malles.

Elle eut une pensée triste pour Anast.

_ C'est vrai que malgré mes charges de héraut qui m'obligeaient à vivre la plupart du temps à la capitale, je me rendais souvent en mon château sur la baronnie familiale que m'a transmise mon père. C'était un lieu de retraite, doux et calme à souhait. J'ai vraiment besoin d'un endroit comme celui-là. Je crois que je serai très malheureuse si je n'en trouve pas un de ce genre en Provence...

Puis, se rassérénant :

_ Mais je suis sûre que votre pays a de pareils trésors ! Peut-être que vous me les montrerez, Dame Pampalone de Sabran. Quant à vous, Monseigneur, ajouta-t-elle à l'adresse de Ludovi, je compte sur vous pour me montrer vos plus vieux lieux de cultes et pour me parler des pèlerinages qui se font dans le Sud. Voyez-vous, je suis extrêmement Aristotélicienne et j'apprécierai de faire la connaissance de plusieurs serviteurs du Tout-Puissant.

Comme à son habitude, Lordfear pénétra dans la salle légèrement en retard. Il pris le temps de saluer tout le monde avec respect. Malgré l'annonce du mariage, il aurait été inopportun de rouler une galoche à sa promise. Il se contenta d'un chaste baise-main, simple mais efficace.

Un plaisir de vous revoir en ces lieux lui murmura t'il

Puis, d'une voix plus forte, tout en se dirigeant en bout de table, il s'adressa à tous.

Je me rends compte que cette salle n'est utilisé que pour les grands évènements. Ce qui est relativement dommage quand on y pense. Des fortunes dépensées pour quelque chose qui ne sert que rarement. On devrait multiplier ce genre de déjeuner "informel".

Il songea un instant a débattre de manière général sur la manière d'arriver à des dépenses publiques en conformité avec une utilité constante, quand il se rendit compte que ca serait surement d'un non intérêt incroyable. Un serviteur s'approcha pour demander à Kalanquin s'il avait des préférences pour le déjeuner.

Non, fais simplement en sorte de tous nous contenter. Quelque chose de léger et de consistant à la fois.

Léger et consistant? Cela avait il un sens en cuisine? Peu probable, mais malgré cela, les serviteurs commencèrent tout d'abord par remplir les verres des différents protagonistes de cette scène culinaire, par le fameux vin d'Avignon. Lordfear leva son verre

A votre présence à tous, et à cette heureuse arrivée bretonne! En espérant que les serviteur du palais vous ont bien installé Driweg.

Une gorgée..

Driweg salua l'entrée de son promis d'un gracieux signe de tête et d'un sourire très doux. Elle lui abandonna une énième fois sa main blanche glacée et s'émerveilla toujours de la finesse de celle du Marquis. De ses doigts longs et droits de musicien. Puis il prit place en face d'elle. Entendre prononcer son prénom avec le bel accent du Sud lui donna envie de rire. Les sons bretons n'étaient décidément vraiment pas faits pour être chantés mais le mélange donnait tout de même une joyeuse mélodie.

Quand Lordfear fit part de son inquiétude concernant son installation, la jolie poupée blonde - ne désirant pas faire punir les serviteurs lents à la détente - acquiesça d'abord en silence avant de déguiser sa réponse :

_ Je suis présentement aux anges. Vous me faîtes l'honneur de votre intérêt dès les premières heures de mon arrivée en Provence et voyez qui nous avons à notre table : les Sabran, que mon coeur aime déjà beaucoup, et la Présidente de votre Cour de Justice dont je prendrais grand plaisir à faire la connaissance.

La Princesse but une gorgée du vin qu'on lui servit avec mille précautions. Cette boisson était peut-être la plus célèbre dans cette province, il faudrait qu'elle se fasse donner des cours à ce sujet. Il lui semblait odieux de n'en rien savoir.
Elle ne voulait pas parler politique mais ne connaissait pas suffisamment le Marquis pour s'aventurer sur d'autres terrains. C'est pourquoi elle choisit volontairement une question large pour lui laisser une marge de manœuvre dans sa réponse :

_ Dîtes-moi, Votre Majesté, comment donc se porte votre remarquable pays ?